"Cependant, en parlant de cette lumière de la foi, nous pouvons
entendre l’objection de tant de nos contemporains. À l’époque moderne on
a pensé qu’une telle lumière était suffisante pour les sociétés
anciennes, mais qu’elle ne servirait pas pour les temps nouveaux, pour
l’homme devenu adulte, fier de sa raison, désireux d’explorer l’avenir
de façon nouvelle. En ce sens, la foi apparaissait comme une lumière
illusoire qui empêchait l’homme de cultiver l’audace du savoir. Le jeune
Nietzsche invitait sa sœur Élisabeth à se risquer, en parcourant « de
nouveaux chemins (…) dans l’incertitude de l’avancée autonome ». Et il
ajoutait : « à ce point les chemins de l’humanité se séparent : si tu
veux atteindre la paix de l’âme et le bonheur, aie donc la foi, mais si
tu veux être un disciple de la vérité, alors cherche »[3].
Le fait de croire s’opposerait au fait de chercher. À partir de là,
Nietzsche reprochera au christianisme d’avoir amoindri la portée de
l’existence humaine, en enlevant à la vie la nouveauté et l’aventure. La
foi serait alors comme une illusion de lumière qui empêche notre
cheminement d’hommes libres vers l’avenir.
3. Dans ce processus, la foi a fini par être associée à l’obscurité.
On a pensé pouvoir la conserver, trouver pour elle un espace pour la
faire cohabiter avec la lumière de la raison. L’espace pour la foi
s’ouvrait là où la raison ne pouvait pas éclairer, là où l’homme ne
pouvait plus avoir de certitudes. Alors la foi a été comprise comme un
saut dans le vide que nous accomplissons par manque de lumière, poussés
par un sentiment aveugle ; ou comme une lumière subjective, capable
peut-être de réchauffer le cœur, d’apporter une consolation privée, mais
qui ne peut se proposer aux autres comme lumière objective et commune
pour éclairer le chemin. Peu à peu, cependant, on a vu que la lumière de
la raison autonome ne réussissait pas à éclairer assez l’avenir ; elle
reste en fin de compte dans son obscurité et laisse l’homme dans la peur
de l’inconnu. Ainsi l’homme a-t-il renoncé à la recherche d’une grande
lumière, d’une grande vérité, pour se contenter des petites lumières qui
éclairent l’immédiat, mais qui sont incapables de montrer la route.
Quand manque la lumière, tout devient confus, il est impossible de
distinguer le bien du mal, la route qui conduit à destination de celle
qui nous fait tourner en rond, sans direction." LUMEN FIDEI LETTRE ENCYCLIQUE DU SOUVERAIN PONTIFE FRANÇOIS
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