Cours de politiques publiques
(Master
1)
Plan du cours
INTRODUCTION
CHAPITRE
I- QU’EST-CE QU’UNE POLITIQUE PUBLIQUE ?
I.1. Définitions
I.2. Origines des politiques publiques
I.3- Typologie des politiques publiques
CHAPITRE
II. LES MODALITES D’ANALYSE DES POLITIQUES PUBLIQUES
II.1. Critères d’une politique publique
II.2. Typologie d’analyse des politiques
publiques: pluralisme, corporatisme,
néo-corporatisme et étatisme
II.3. Les objectifs d’une politique publique
CHAPITRE
III. EVALUATION DES POLITIQUES PUBLIQUES
III.1 De l'évaluation des politiques publiques
III.2. De la finalité d’une évaluation
des politiques publiques.
III.3. Evaluations des politiques publiques dans le
cadre la modernisation de l’action publique
III.4. Diagrammes d’évaluation des politiques
publiques
CONCLUSION
INTRODUCTION
Traditionnellement,
dans les monarchies occidentales l’action publique avant le XVIIIe siècle se réservait
la sphère du maintien de l’ordre et des affaires étrangères. Avec l’avènement
de l’Etat moderne, surtout au XIXe siècle, l’intervention de l’Etat s’amplifie
et se diversifie incluant notamment le secteur de la santé, de l’éducation, de
la communication etc. C’est au XXe siècle que l’on verra s’épanouir les
politiques de l’Etat-providence, caractérisées par le double souci de protection
sociale et de redistribution des ressources y compris par la démocratisation
des moyens d’accès au savoir. En outre, beaucoup de pays européens expérimenteront
des formes d’interventionnisme étatique dans la sphère économique. Pour les
pays africains après les indépendances, l’Etats fut le seul maître du jeu
économique. Le recours à la planification – contraignante dans les pays du bloc
socialiste, indicative et incitative à l’ouest de l’Europe – et le rôle stratégique du secteur public sont
les deux outils majeurs de cet interventionnisme, avec la politique
d’incitation fiscale. Des mécanismes de régulation légale et réglementaire sont
mis en place afin d’encadrer ou corriger les tendances du marché.
Aujourd’hui
avec l’émergence de la notion de gouvernance liée au système de l’économie de
marché, au triomphe du néolibéralisme, l’interventionnisme de l’Etat est
sévèrement limité. Depuis l’effondrement des économies socialistes du camp
soviétique, le mouvement s’est accéléré. Deux facteurs réduisent la puissance et le rôle de l’Etat
dans la vie économique. Le
premier facteur : la construction des organisations
internationales telles que l’ONU, l’Union Européenne, l’UA, a favorisé un
mouvement de déréglementation en imposant à tous les pays membres les logiques
de libre concurrence dans tous les secteurs. Le second facteur de rééquilibrage est le net retour au local.
Il se manifeste un peu partout en Europe, comme partout ailleurs dans le
monde sous formes différentes. D’une part, il s’agit de forts mouvements
régionalistes, voire nationaliste qui revendique et obtiennent parfois de
larges dévolutions de compétences aux détriments de l’Etat central. D’autre
part, on observe très fréquemment des mouvements de décentralisation au profit
des régions ou des villes. La science politique contemporaine a pris acte
de ces évolutions, voire de ces bouleversements.
L’analyse
classique des politiques publiques se situait essentiellement dans le cadre
national et privilégiait l’action top/bottom
de l’Etat ou des collectivités territoriales ; et l’élargissement des
échelles d’action spatiale impose un autre regard. L’analyse contemporaine a
mis l’accent sur deux questions principales, d’ordre théorique et pratique. La première est celle du passage au politique d’un
problème de société. A
quelles conditions des enjeux collectifs, des ajustements d’intérêts
catégoriels deviennent-ils objet de politique publique, appelant mobilisation
de moyens administratifs et techniques, mises en œuvre de procédures,
établissement de budgets ? La seconde
est relative à l’univers des représentations, des savoirs et des perceptions
qui constituent la toile de fond du processus décisionnel enclenché.
Elaborer une politique publique, écrit Pierre Muller, suppose « une image
de la réalité sur laquelle on veut intervenir ». C’est ce qu’il appelle le
référentiel d’une politique. Les
politiques publiques suivent-elles une intention ou une idée directrice globale ?
CHAPITRE I- QU’EST-CE
QU’UNE POLITIQUE PUBLIQUE ?
Le concept « politiques publiques »
est assez récent. Il a été introduit dans le langage des sciences politiques et
administratives européennes dans les années 1970 comme la traduction littérale
du terme anglais « public policy ». Ce dernier s’oppose au terme « la politique»
(«politics »), qui désigne les activités et les luttes des acteurs politiques
traditionnels notamment les partis politiques, les groupes d’intérêts, les syndicats
ou les nouveaux mouvements sociaux, visant la conquête du pouvoir législatif ou
gouvernemental dans le respect des règles constitutionnelles et
institutionnelles – ce que recouvre le terme de «polity». Il existe une
multitude de définitions de la notion de politiques publiques. Dans son Introduction à l’analyse des politiques
publiques, Thoenig en relevait au moins quarante dans les années 1980. Sans
revenir sur ces différentes définitions, on peut néanmoins avoir une approche
holistique du concept. Nous en face d’un concept à la fois un objet d’étude
spécifique et une approche analytique relevant des sciences sociales.
I.1 Définition du concept
L’expression « politiques
publiques » est un concept de science politique et sociale qui désigne
les « interventions d’une autorité investie de puissance publique et de
légitimité gouvernementale sur un domaine spécifique de la société ou du territoire »[1]. La notion peut
être élargie pour indiquer ce que les gouvernements choisissent de faire ou de
ne pas faire. C’est le produit de l’activité d’une autorité investie de puissance
publique et de légitimité gouvernementale. Elle consiste en un programme
d’actions propre à une ou plusieurs autorités publiques ou gouvernementales
dans un secteur de la société ou dans un espace donné. Pour sa réalisation, il
faut donc des activités orientées vers la solution de problèmes publics dans
l’environnement, et ce par des acteurs politiques dont les relations sont structurées,
le tout évoluant dans le temps. Il s’agit d’une décision « faite corps »
qui se caractérise par des comportements cohérents et répétitifs de la part de
ceux qui la font ainsi que de la part de ceux qui sont concernés en parallèle.
Il y a politiques publiques lorsqu’une autorité politique locale ou
nationale tente, au moyen d’un programme d’action coordonné, de modifier
l’environnement culturel, social ou économique d’acteurs sociaux saisis en
général dans une logique sectorielle. Quoi que cette définition soit très
holistique, elle tend à mettre l’accent soit sur les acteurs investis de
pouvoirs publics, soit sur les problèmes collectifs à résoudre, soit
sur les actions étatiques rapportées. En fin de compte, les spécialistes
des politiques publiques s’accordent pour dire qu’une définition «
opérationnelle » est nécessaire pour qualifier l’objet et le champ d’étude retenus.
En dernier ressort les politiques publiques peuvent être perçues comme la
prise en charge de problèmes déterminés comme publics par des autorité
investies d’une légitimité politique (Etat central, autorité locale, institution
supra-nationales etc.) ; elles se traduisent par la mise en
place de programmes
d’action matériels (sous formes de subventions, d’allocations, de
droits, de contraintes, d’équipement, d’infrastructures, de procédures, de
dispositifs institutionnelles) et immatériels (sous la forme de la diffusion de normes, de
cadres cognitifs ou d’injonctions) à destination de publics plus ou moins
précisément ciblés[2].
I.2. Genèse
des politiques publiques
Jusqu’au
XVIIIe siècle
: l’Etat conduit principalement trois politiques publiques qui sont celles de
l’Etat régalien, à savoir les politiques de maintien de l’ordre, les politiques
militaires et les politiques fiscales. L’action étatique est une intervention
directe qui se fait à travers la mise en place d’instruments administratifs
telle que la police, l’armée, la justice ainsi que par la production de règles
de droit. Au XIXe siècle : les politiques d’intervention
directe sont à leur apogée et forment le socle de l’Etat-nation. D’autres
politiques s’affirment alors dans le domaine des transports (chemin de fer) et
de la communication (poste, télégraphe), dans le domaine de l’éducation (afin
d’unifier la culture nationale). A la fin du XIXe siècle :
les politiques redistributives font leur apparition, elles forment le socle de
l’Etat-providence. La responsabilité est perçue comme collective et non plus
seulement individuelle, d’où la mise en place de systèmes d’assurance collective
pour les accidents du travail. Après la deuxième guerre mondiale
: l’Etat devient un Etat producteur, il accroît son intervention dans le
domaine économique afin d’accélérer la reconstruction, étend la couverture des
systèmes de protection sociale. Depuis les années 1970 :
l’interventionnisme de l’Etat est fortement remis en cause, ce qui conduit à
mettre un accent plus important sur les politiques procédurales. L’Etat devient un
Etat régulateur qui intervient désormais indirectement, en interaction avec
d’autres acteurs, et ne fait plus tout lui-même.
Dès lors, les questions de politiques peuvent être divisées en
deux catégories : celles qui figurent déjà au programme des politiques
publiques et celles qui n’y figurent pas. Si une question figure déjà au
programme des politiques publiques, cela signifie qu’elle a un profil
suffisamment élevé et qu’un processus officiel est vraisemblablement en place.
Si une question ne figure pas au programme des politiques publiques, le travail
des intervenants ou de la collectivité consiste à fournir des renseignements et
à prendre d’autres mesures pour sensibiliser le gouvernement à la question et
la faire inscrire au programme. Gerston (1997) suggère qu’une question sera
inscrite au programme des politiques publiques et y restera si elle satisfait
au moins à un de trois critères suivants : portée suffisante, touchant un nombre important de personnes ou de
collectivités, intensité, si l’ampleur
des répercussions est élevée et temps,
si elle est soulevée depuis très longtemps.
I.3 Une
typologie des politiques publiques
Il
y a plusieurs typologies établies des politiques publiques mais nous recensons
les différents types généralement observés et qui se rejoignent. Pour établir
cette typologie nous partirons deux déterminants fondamentaux à savoir :
le type de ressortissant d’une politique publique. Les
ressortissants sont les individus, groupes et organisations concernés par la
politique publique. La politique publique peut chercher à modifier des
comportements individuels ou bien des collectifs moins spécifiés.
Et le
type de contrainte auquel les instruments utilisés renvoient : la
contrainte peut être soit directe, soit indirecte. Ainsi nous
avons ces différents de types de politiques publiques :
- les politiques
réglementaires : ces politiques visent les individus
au moyen d’une contrainte directe (obligation scolaire, limitations
de vitesse pour les automobilistes, port du casque pour les deux-roues,
etc.) ;
- les politiques allocatives
(ou distributives) : elles visent les individus
au moyen d’une contrainte indirecte (attribution de permis de
construire, prestation sociale sous conditions spécifiques). Un individu
bénéficie d’une action publique s’il remplit un certain nombre de
conditions ;
- les politiques
redistributives : elles concernent des groupes
au moyen d’une contrainte directe (sécurité sociale, politique
fiscale). Dans ce cas, l’Etat fixe des règles concernant un groupe
spécifique. Le groupe entier est alors soumis à une obligation précise
(exemple : obligation de cotiser pour la Sécurité sociale) ;
- les politiques procédurales
(ou constitutives) : elles constituent des
contraintes indirectes pour des groupes. Elles passent, le
plus souvent, par la mise en place de dispositifs institutionnels (exemple
: contrat de plan Etat-région). La puissance publique encadre les
politiques publiques en édictant des règles sur les procédures à
suivre.
- Des principes métaphysiques généraux : ils
orientent la vision du monde des scientifiques (dans le domaine de
l’action publique, ce sont les récits globaux du fonctionnement de la
société, par exemple le paradigme néolibéral) ;
- des hypothèses et des lois : ce sont
des axiomes, des théories d’action et des raisonnements qui font le lien
entre des principes globaux et les systèmes d’action publique concrets (ce
sont les normes d’action que sous-tend un ensemble idéologique) ;
- une méthodologie : elle délimite les
comportements légitimes (dans l’action publique, ce sont les rapports
entre les acteurs qui peuvent être hiérarchiques ou partenariaux) ;
- les instruments et les outils : ils
permettent l’observation scientifique (dans l’action publique, ce sont les
dispositifs d’interventions telles que les aides sectorielles ou les
protections douanières).
- les valeurs : les représentations les plus
fondamentales sur ce qui est bien ou mal, désirable ou à rejeter. Elles
définissent un cadre global de l’action publique ;
- les normes : elles définissent des
principes d’action plus que des valeurs, par exemple l’exigence de
modernisation de l’agriculture ;
- les algorithmes : ils sont des relations
causales qui expriment une théorie de l’action. Ils peuvent être exprimés
sous la forme "si... alors" : "si le gouvernement laisse
filer la monnaie, alors les entreprises gagneront en compétitivité"
;
- les images : elles sont des vecteurs
implicites de valeurs, de normes ou même d’algorithmes. Ce sont des
raccourcis cognitifs qui font sens immédiatement. Par exemple, c’est le
jeune agriculteur dynamique et modernisé.
- le référentiel global : c’est "une
représentation générale autour de laquelle vont s’ordonner et se
hiérarchiser les différentes représentations sectorielles. Il est
constitué d’un ensemble de valeurs fondamentales qui constituent les
croyances de base d’une société, ainsi que de normes qui permettent de
choisir entre des conduites";
le référentiel sectoriel : c’est
"une représentation du secteur, de la discipline ou de la
profession".
CHAPITRE II.
LES MODALITES D’ANALYSE DES POLITIQUES PUBLIQUES
II.1. Critères
d’une politique publique
Une politique publique est comme un enchaînement de
décisions ou d’activités, intentionnellement cohérentes, prises par différents
acteurs, publics et parfois privés, dont les ressources, les attaches
institutionnelles et les intérêts varient, en vue de résoudre de manière ciblée
un problème défini politiquement comme collectif. Cet ensemble
de décisions et d’activités donne lieu à des actes formalisés, de nature plus
ou moins contraignante, visant à modifier le comportement de groupes sociaux
supposés à l’origine du problème collectif à résoudre (groupe-cible), dans
l’intérêt de groupes sociaux qui subissent les effets négatifs dudit problème
(bénéficiaires finaux). Partant plusieurs éléments constitutifs de l’essence
d’une politique publique peuvent être ainsi relevés :
a. Solution
à un problème public
Une politique publique vise à
résoudre un problème social reconnu politiquement comme public, et nécessitant
le rétablissement de la communication interrompue ou menacée entre plusieurs
acteurs sociaux. Cela suppose la reconnaissance d’un problème c’est-à-dire une
situation d’insatisfaction sociale dont la résolution est soumise à l’action du
secteur public.
b. Existence
de groupes-cibles à l’origine d’un problème public
Toute politique publique vise à
orienter le comportement de groupes-cibles, soit directement, soit en agissant
sur leur environnement. Le « modèle de causalité » qui sous-tend la cohérence
de la politique publique conduit à identifier les groupes-cibles de la politique,
c’est-à-dire les groupes sociaux dont on suppose que le comportement est à l’origine
du problème public à résoudre.
c. Cohérence intentionnelle
Une politique publique est mise en
œuvre avec une orientation donnée. Elle suppose une «théorie du changement
social » ou « un modèle de causalité » que la politique publique tentera
d’appliquer pour résoudre le problème public considéré. Elle suppose également
que les décisions ou activités prises soient liées les unes aux autres. Ainsi,
un manque de cohérence se manifestera par une coïncidence purement occasionnelle
de mesures qui visent les mêmes groupes-cibles mais qui ne sont pas, selon
l’intention du législateur, liées les unes aux autres.
d. Existence de
plusieurs décisions et activités
Les politiques publiques se
caractérisent par un ensemble d’actions qui dépassent le niveau de la décision
unique ou spécifique, tout en restant en deçà d’un « mouvement social général ».
e. Programme
d’interventions
Cet ensemble de décisions et
d’actions doit, en outre, contenir des décisions plus ou moins concrètes et
individualisées (décisions relatives au programme et à son application). Un
plan de mesures ne peut être considéré en tant que tel comme un élément d’une
politique publique que si des mesures individuelles, faisant l’objet de
définitions explicites, sont appliquées (au moins partiellement). Un programme
d’interventions sans suite n’est pas une politique publique ; il ne
constitue qu’un produit parmi d’autres éléments constitutifs d’une politique
publique.
f. Le rôle clé
des acteurs publics
Cet ensemble de décisions et
d’actions ne peut être considéré comme une politique publique que dans la
mesure où ceux qui les prennent agissent en tant qu’acteurs publics. Autrement
dit, il faut qu’il s’agisse d’acteurs appartenant au système
politico-administratif, ou bien d’acteurs privés investis de la légitimité de
décider ou d’agir sur la base d’une délégation fondée sur une règle juridique.
Si cette condition n’est pas remplie, un tel ensemble de décisions (qui, de
fait, peuvent également être contraignantes pour des tiers) sera considéré
comme une politique « corporatiste » ou même « privée ». Ainsi plusieurs «
politiques » menées par les entreprises multinationales relèvent de décisions
et de responsabilités strictement internes.
g. Existence
d’actes formalisés
Une politique publique suppose la
production d’actes ou outputs censés
orienter le comportement de groupes ou d’individus supposés à l’origine du
problème public à résoudre. En ce sens, notre définition d’une politique
publique suppose l’existence d’une phase de mise en œuvre concrète des mesures
décidées. Cependant, l’analyse des politiques publiques conduit dans certains
cas à mettre en évidence une non intervention de l’acteur
politico-administratif ou l’absence de recours à un certain nombre d’instruments
d’intervention.
II.2. Paradigmes d’analyse des politiques publiques:
pluralisme, corporatisme, néo-corporatisme et étatisme
Il est possible de recenser différents paradigmes d'analyse
des politiques publiques :
Le paradigme pluraliste étudie les situations où le
processus de décision politique est la résultante d’une interaction entre une
multitude d'acteurs. Cette théorie anglo-saxonne sert à rendre compte d’une réalité
politique où une multitude de groupes d’intérêts représente des intérêts
divergents et sont reconnus en tant qu’acteurs légitimes non seulement par
l’État mais aussi par les autres groupes d'intérêts concurrents. Ce paradigme
correspond le plus à l'idée libérale d'un Etat-gendarme dont l'intervention est
limitée au strict nécessaire.
Le paradigme corporatiste étudie les cas où ce
processus résulte principalement d'une collaboration entre des corporations,
qui représentent la société civile de manière structurée. Il a été beaucoup
utilisé pour décrire le fonctionnement de la société allemande dans les années
1980.
Le paradigme néo-corporatiste considère que certains
acteurs sont dominants et co-produisent les politiques publiques avec l'État.
Il sert à étudier beaucoup de politiques récentes, notamment en Allemagne.
Le paradigme étatiste est utile pour l'analyse des
situations où l'État est l'acteur principal -voir exclusif- des politiques
publiques. Il peut correspondre au système socialiste. Une version moins
extrême renvoie aux systèmes bureaucratiques français développés après-guerre,
dans le cadre de grands plans étatiques.
II.3.
Les objectifs d’une politique publique
Les politiques publiques
permettent d’atteindre des objectifs divers, au nombre desquels, on peut citer
:
·
assurer l’éducation des citoyens ;
·
assurer la sécurité et le maintien de
l’état de droit ;
·
maximiser le bien-être et le revenu par
habitant ;
·
permettre le plein emploi et éviter la
pauvreté subie ;
·
assurer la situation sanitaire des
populations (campagne de prévention contre certaines maladies endémiques comme
le SIDA, campagne de soins, campagne de vaccinations) ;
·
assurer la circulation des personnes et
des biens (mise en place de réseaux de transport)
·
jouer un rôle de redistribution,
lorsque l’égalité des chances n’est pas assurée initialement.
CHAPITRE III. DE L’EVALUATION DES
POLITIQUES PUBLIQUES
Améliorer dans la durée la performance de l’action publique est un enjeu
majeur pour le gouvernement. Dans cette optique, ce dernier a engagé, depuis
2012 et pour la première fois en France, une démarche d’évaluation de
l'ensemble des politiques publiques. Qu'est-ce que l'évaluation des politiques
publiques ? Quelles sont les spécificités des évaluations menées dans le
cadre de la modernisation de l’action publique ? Fortement liée à la
rationalisation de l’action publique, l’évaluation vise à déterminer dans
quelle mesure une politique publique a atteint les objectifs qui lui sont
assignés, et produit les impacts escomptés auprès des publics concernés.
III.1 Qu’est-ce
l'évaluation des politiques publiques
Evaluer une politique publique, c’est
juger de sa valeur au regard d’un ensemble de critères, en vue de l’améliorer
et d’éclairer la prise de décision. Il s’agit « d'apprécier, dans un cadre
interministériel, l'efficacité de cette politique en comparant ses résultats
aux objectifs assignés et aux moyens mis en œuvre ». Plus
largement, l’évaluation vise à la construction d’un jugement sur la valeur de
l’intervention publique qui se fonde sur « ses résultats, ses impacts et les besoins que cette intervention cherche à satisfaire»[3]
et s’appuyant sur des données empiriques collectées et analysées spécifiquement
à cet effet. L’évaluation se distingue du
contrôle de légalité, consistant à vérifier la conformité avec le cadre légal
et réglementaire, et de l’audit, tourné vers la maîtrise des risques. Plusieurs
méthodologies et modalités coexistent, en fonction des contextes et enjeux. L’évaluation peut ainsi être interne
ou externe, réalisée avant (« ex ante »), pendant (« in itinere
») ou après (« ex post ») l’intervention publique. L’évaluation des
politiques publiques (EPP) est une pratique promue depuis de plus de 20 ans en
France et sur le plan international, notamment par l’ONU, l’OCDE (aide au
développement), l’Union européenne.
III.2. De la finalité d’une Evaluation des politiques publiques.
Pour les commanditaires d’une
évaluation, l’évaluation sert à :
- Connaître,
décrire et mesurer (sans juger) la réalité d’un programme ou d’une
intervention, sa réponse à un besoin, l’atteinte de ses objectifs et de
ses effets ou le chemin qui reste à parcourir pour y arriver. C’est la finalité dite cognitive de l’évaluation. « Concrètement,
il s’agit d’identifier si les groupes cibles visés par une politique en
particulier ont effectivement modifié leurs comportements (impacts ?)
et si, par-là, la situation des bénéficiaires finaux, jugée initialement
problématique, s’est réellement améliorée»[4] ;
- Juger :
l’évaluation aide les responsables politiques à porter un jugement sur les
réussites et échecs des interventions reposant sur des données empiriques
et des critères explicites, ainsi qu’une analyse étayée (finalité normative) ;
- Améliorer
et décider comment le faire : l’évaluation sert à alimenter la prise
de décision, par exemple via la réorientation stratégique ou l’adaptation
opérationnelle des politiques publiques (finalité
instrumentale).
III.3. Evaluations des politiques publiques dans le cadre la
modernisation de l’action publique
Le gouvernement a lancé en décembre 2012 une
démarche d’évaluation ex post de l’ensemble des politiques publiques dans le
cadre de la Modernisation de l’Action Publique (MAP). Affaires sociales,
éducation nationale, justice, écologie, logement, territorial… de nombreuses
politiques ministérielles, interministérielles et partagées avec les
collectivités locales sont couvertes. La démarche d’évaluation des politiques
publiques dans le cadre de la MAP repose sur 4 principes directeurs :
1. Aide à la décision
Résolument tournées vers l’action, ces évaluations sont conçues comme une
aide à la décision politique. A partir des problématiques clés
relevées lors de la phase de diagnostic, une évaluation vise à proposer des
scénarios de transformation / de réforme destinés à améliorer l’action publique
en question.
2. Participation et transparence
Les usagers et bénéficiaires sont consultés, notamment sur leurs
attentes vis-à-vis de la politique évaluée. Les principaux acteurs publics
concernés (Etat, collectivités locales, organismes sociaux, opérateurs…) sont
associés à la démarche, afin de construire une vision collective des
enjeux, objectifs, résultats et modalités de mise en œuvre de chaque politique.
La démarche promeut la transparence : les rapports
d’évaluation ont vocation à être rendus publics et les citoyens à être informés
sur le déroulement du processus.
3. Analyse multicritère
Les politiques publiques sont analysées au travers des critères
évaluatifs standards listés plus bas, mais aussi au regard des grandes
orientations de la modernisation de l’action publique (simplification,
innovation, numérique, ouverture des données…).
4. Méthode
Les évaluations sont régies par une méthode structurée autour
d’une gouvernance participative et d’un protocole de
travail précis, qui s’applique aux commanditaires, aux
évaluateurs et aux parties prenantes.
III.4.
Diagrammes d’évaluation des politiques publiques
Comment sont évaluées les politiques
publiques ? Une évaluation d’une politique publique (EPP)
réalisée dans le cadre de la MAP s’appuie sur : une étude
exhaustive de la documentation disponible et des travaux déjà produits ; des techniques d’analyse (statistiques, économétrie, data sciences,
coûts, impacts, effets de levier…), d’enquête (entretiens, déplacements sur le terrain…)
et de
consultation (questionnaires, sondages, focus groupe…).
Chaque politique publique est étudiée à travers un ensemble de critères
évaluatifs standards, notamment : efficacité, efficience, cohérence,
utilité, pertinence.
Dans le cadre de la modernisation de l’action publique,
la méthode d’évaluation comporte 3 phases :
CONCLUSION
L’évolution
récente des modes d’élaboration des politiques publiques dans les Etats
européens illustre un certain retrait de l’Etat et une crise de la démocratie
représentative qu’atteste la montée des populismes. Du fait de l’allongement et
de la complexification des processus décisionnels qui, aujourd’hui,
comportement le plus souvent à la fois une dimension européenne et une
dimension locale (effet de la décentralisation), on ne peut plus véritablement
raisonner comme si la décision finale était le fruit discrétionnaire de la
volonté des dirigeants politiques ou résultait du simple exercice de
compétences institutionnelles rigoureusement définies. C’est pourquoi on
assiste à de nouveaux développements de l’analyse scientifique[5].
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[3] La communication sur
l’évaluation de la CE SEC(2000)1051
définit l’évaluation ainsi: evaluation is a “judgement of interventions
according to their results and impacts, and the needs they aim to satisfy”
[4] Knoepfel, Peter; Larrue Corinne; Varone Frédéric, Analyse et pilotage des politiques
publiques, Verlag Rüegger, p. 242.
[5] Philippe Braud, Sociologie
politique, 9e édi. Paris, L.G.D.J, 2008, p. 692.